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5) Le Grand Jeûne  pour apaiser la colère d’un Dieu Jaloux

Bon, récapitulons. L’organisation sociale des SheReNTe a des traits communs avec les Israelites de la Bible. Mais c’est dans leur rapport particulier à la sexualité que les ressemblances avec la Bible et les juifs sont les plus troublantes, notamment cette obsession de la pureté sexuelle couplée « en même temps » avec une véritable prostitution organisée. Caractères notés comme atypiques par les ethnologues.

Un dieu jaloux et destructeur

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Mais vous n’avez encore rien vu les enfants. Rien. Intéressons-nous d’un peu plus près aux croyances des SheReNTe. A commencer par la cosmologie qui recoupe l’organisation de la tribu en deux moitiés puisque l’une des moitiés est affiliée au Soleil, tandis que l’autre est avec la Lune. Le Soleil, comme la Lune, entendant et voyant tout ce que font les indiens SheReNTe – qui sont donc placés sous la surveillance constante de ces deux astres. Jusque-là, rien que du très classique me direz-vous.

Mais, ce qui saute aux yeux c’est que le Dieu Suprême, le Soleil, est, d’une part le Père de tous les Indiens – Abba en hébreu. Mais c’est un Père qui a une fâcheuse tendance à se mettre en colère, à tel point qu’il est très souvent « à ça » de détruire les Indiens, surtout quand il les voit abandonner leurs coutumes ancestrales pour suivre celles des colonisateurs Brésiliens. Exactement comme le Dieu de la Bible, tout aussi colérique, destructeur et, jaloux.

Comme le dit le 2ème des 10 commandements :

Tu n’auras point d’autre dieu que moi. Tu ne te feras point d’idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, tu ne les adoreras point ; car moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui poursuis le crime des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième générations, pour ceux qui m’offensent. Exode 20.3.

Intermédiaires célestes

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Mais ce n’est pas tout – loin de là. Ce Dieu a des Associés et des Intermédiaires qui font l’aller et retour entre le Ciel et la Terre sous une forme humaine ou animale. Ce sont les planètes et les étoiles – l’Armée Céleste d’« Adonay Tsebaot » dans la Bible. Et ces intermédiaires stellaires sont là encore répartis par moitiés : Venus et Jupiter jouent les intermédiaires pour le Soleil, tandis que Mars et les Pléiades le font pour la Lune.. Mais dans la Bible toujours, ces intermédiaires qui vont et viennent entre le Ciel et la Terre, comme par exemple dans le rêve de Jacob, ce sont surtout les Anges - « MaLeaKh » de la racine « LeKh » envoyé. Ce qui fait qu’il y a donc confusion chez les Sherente entre l’Armée Céleste et les Anges, on y reviendra.

En attendant, pour vous donner un exemple d’intervention d’un de ces intermédiaires célestes, il y a cette histoire P60 d’un indien qui rencontre un magnifique cerf qui lui annonce qu’il est un envoyé du Ciel. Ce cerf lui dit être venu l’avertir que lui et les anciens devaient fonder une nouvelle corporation rituelle. Puis, après avoir pris une forme humaine, cet envoyé céleste se transforme à nouveau en héron blanc et remonte au Ciel. Un envoyé du Ciel venu avertir les hommes avant de remonter aux Cieux dans un éclat de blancheur – on se croirait là dans le Nouveau Testament.

Il y a aussi l’histoire de cet Indien qui rêve de Venus une nuit – et qui le recroise le lendemain dans la forêt sous forme humaine après avoir perçu des « signes de présence ». Cette fois, cette incarnation humaine de Venus dit être venue avertir les Indiens que la Terre Mère est en colère contre eux parce qu’ils pratiquent l’avortement alors que les Chrétiens ont déjà tué beaucoup d’Indiens. Dans ces conditions, la Terre Mère menace de se jeter sur son fils le Soleil et de provoquer la déflagration finale si les choses ne changent pas. Un avertissement cataclysmique bien de « chez nous » - que ce soit dans la Bible ou le Coran.

Le Grand Jeûne (mais contre la Sécheresse ?)

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Et face à ces dieux suprêmes colériques, et prêts à les dévaster au moindre écart, les SheReNTe n’ont qu’une seule protection : le Grand Jeûne. Le Ramadan – mais surtout Yom Kippour, le Jour du Grand Pardon, où chaque juif jeûne 24 heures pour infléchir le verdict du tribunal céleste et disposer d’une année de plus à vivre.

Le Grand Jeûne c’est LA cérémonie centrale des SheReNTe – tout comme Yom Kippour est le rituel pratiqué par tous les juifs, même les plus éloignés de la religion. Il faut que tous les Indiens s’y mettent, jeûnent et chantent pendant plusieurs nuits – c’est à ce prix que le peuple sera pardonné et que la catastrophe annoncée par les envoyés astraux sera évitée, en particulier la sécheresse, je vais y revenir dans un instant.

Le Grand Jeûne dure des jours et ne prend fin que lorsque les jeûneurs voient apparaître des mystérieuses guêpes. On plante alors un pieu dans le sol. Un homme y monte poser des questions aux ancêtres, recevoir le feu du Ciel et y élever des objets appartenant à chaque membre de la tribu. Et la cérémonie se termine par la circulation de calebasses remplies d’eau, annonçant la reprise de la pluie. Ensuite, si le rituel a bien fonctionné, le maître des cérémonies informe la tribu que Waptokwa, le Soleil, a agréé le Grand Jeûne et qu’il enverra la pluie – tout en rappelant qu’il ne faut surtout pas suivre les abominations des Chrétiens.

Un point important, c’est que Curt Nimuendaju note qu’alors que cette cérémonie « éclipse » largement toutes les autres en importance, ce rituel de la pluie colle mal avec l’environnement très humide dans lequel vivent les SheReNTe – l’état de Goias étant largement irrigué de rivières et de lacs. Un tel rituel serait au contraire bien plus adapté à une région « sèche ». Curt Nimuendaju note que ce même paradoxe se retrouve dans le mythe d’Asare, le héros civilisateur SheReNTe qui planta un pieu dans la terre pour en faire sortir de l’eau – oui, un peu comme Moïse frappant le rocher avec son bâton dans le désert.

6) L’Envoyé venu avertir avant le Déluge

Bon, récapitulons. Les SheReNTe partagent plusieurs traits avec les Israelites de la Bible – une organisation en 2 fois trois tribus, une sexualité atypique marquée par une double obsession pour la « virginité » et la prostitution, un Dieu solaire jaloux et destructeur, des intermédiaires cosmiques faisant l’aller-retour entre le Ciel et la Terre et une institution centrale : le Grand Jeûne, par lequel les SheReNTe obtiennent l’effacement de leur peine et la remise de leurs péchés, mais qui semble être un souvenir d’un moment où les SheReNTe vivaient dans un environnement marqué par la sécheresse.

Ça commence à faire beaucoup – mais ça, ça n’était que pour vous mettre en bouche, mes enfants. Ça n’est pas ça qui a attiré l’œil du Paraklet. Ce qui a attiré mon œil, c’est un Mythe – ou plutôt devrais-je dire « Le » Mythe central des SheReNTe qui fait l’objet d’une recension précise par Curt Nimuendaju, et que Claude Lévi-Strauss a repris et traduit dans Le Cru et le Cuit P256, le premier tome de ses Mythologiques. Il s’agit de l’histoire de Vénus venu sur Terre annoncer la fin de l’Humanité et le Déluge. Ce mythe ressemble de façon très troublante à une sorte de « mix » entre l’histoire de la destruction de Sodome et Gomorrhe, avec celle de Job ou ce qu’on appelle celle du Juste Souffrant.

L’Envoyé souffrant porteur de maladies

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Ça commence comme ça :

 Vénus vivait sous forme humaine parmi les hommes, son corps était couvert d’ulcères nauséabonds où les mouches à viande tournoyaient en bourdonnant. Toute la population se bouchait le nez quand il passait. On lui refusait l’accès des maisons » pour qu’il puisse se reposer et guérir.

On retrouve là un motif central dans le livre d’Isaïe, celui du Juste Souffrant, chapitre 53, je vous le lis :

Méprisé, repoussé des hommes, homme de douleurs, expert en maladies, il était comme un objet dont on détourne le visage, une chose vile dont nous ne tenions nul compte. Et pourtant ce sont nos maladies dont il était chargé, nos souffrances qu’il portait, alors que nous, nous le prenions pour un malheureux atteint, frappé par Dieu, humilié. Et c’est pour nos péchés qu’il a été meurtri, par nos iniquités qu’il a été écrasé ; le châtiment, gage de notre salut, pesait sur lui, et c’est sa blessure qui nous a valu la guérison. Nous étions tous comme des brebis errantes, chacun se dirigeant de son côté, et Dieu a fait retomber sur lui notre crime à tous. Maltraité, injurié, il n’ouvrait pas la bouche ; pareil à l’agneau qu’on mène à la boucherie, à la brebis silencieuse devant ceux qui la tondent, il n’ouvrait pas la bouche.

Ce passage est central dans le dogme chrétien qui y voit l’annonce prophétique du Christ, lui aussi expert en maladies – bien que lui-même n’ait pas été malade contrairement au mythe Sherente de Vénus dont le corps est couvert d’ulcères nauséabonds. Ce motif du juste souffrant couvert d’ulcères purulents et puants, on le retrouve aussi dans Job, dans le Lazare de l’Évangile de Luc 16.19 et dans le Ludlul bel Nemeqi dont je vous parlais dans ma vidéo S4 sur la souffrance et la menstruation – tous sont affligés d’ulcères purulents et puants et plus généralement de maladies, maladies qui sont, dois-je vous le rappeler, une allégorie menstruelle …

Un Juste accorde l’hospitalité à l’Envoyé, et même sa fille vierge, qui le lave

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Mais continuons – il y a quand même un Juste dans cette génération corrompue :

Seul l’Indien Waikaura accueillit le malheureux, lui offrit une natte toute neuve pour s’y asseoir, et l’interrogea poliment. Vénus expliqua qu’il avait perdu son chemin. Waikaura fit apporter de l’eau chaude pour laver les plaies, et il insista pour que l’opération se déroulât dans la hutte, et non au dehors comme le voulait son hôte. Il ordonna même à sa fille vierge de faire asseoir Vénus sur ses cuisses nues. Grâce à ces soins attentifs, le visiteur guérit.

A partir de ce passage, on passe à l’histoire de Sodome et Gomorrhe, dans Genèse 19. Après avoir visité Abraham et y avoir bénéficié de son hospitalité, deux Envoyés – MaLeaKh – arrivent à Sodome le soir et rencontre Lot, le neveu d’Abraham, qui lui aussi s’empresse de les accueillir, en leur demandant de venir dans sa maison s’y reposer et s’y laver les pieds. Exactement comme Waikaura qui lave les plaies de Venus. Malgré l’insistance de Lot les Envoyés refusent toutefois sa proposition et disent préférer dormir à l’extérieur. Exactement comme Vénus dans le mythe SheReNTe.

Néanmoins Lot insiste, comme Waikaura, et les Envoyés finissent par entrer dans sa maison pour y manger. C’est alors que les gens de Sodome arrivent en exigeant de Lot qu’il fasse sortir les deux hommes afin de les « connaître » – sexuellement s’entend. C’est de là que vient le mot Sodomie. Lot s’y refuse et leur propose au contraire de leur livrer ses deux filles vierges. Tout comme Waikaura qui offre sa fille vierge – à Vénus toutefois.

Il faut partir, et vite

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Puis

 A la nuit tombée, [Vénus] interrogea Waikaura : « Que désires-tu ? » Et comme l’autre ne comprenait pas, il précisa : « Vivre, ou mourir ? ». Car le soleil était irrité contre les Indiens, qui se massacraient les uns les autres et sacrifiaient même des petits enfants. Vénus conseilla à son bienfaiteur de se préparer au départ, en secret. Mais qu’il tue d’abord un pigeon.

On retrouve là la même forme que dans Genèse 19, verset 12 :

Les voyageurs dirent à Loth : « Quiconque des tiens est encore ici, un gendre, tes fils, tes filles, tout ce que tu as dans cette ville, fais les sortir d’ici. Car nous allons détruire cette contrée, la clameur contre elle a été grande devant le Seigneur et le Seigneur nous a donné mission de la détruire. »

Il y a même la mention du sacrifice des petits enfants – qu’on retrouve dans la Bible avec la condamnation du culte de Molokh, sur lequel on reviendra bientôt.

Tant qu’on y est, ce motif de l’avertisseur est central dans le Coran : « Et Nous ne faisons pas périr de cité avant qu’elle n’ait eu des avertisseurs » Sourate As Shuaraa 26.208. Cela revient à de nombreuses reprises. Mais bon, n’allez pas le dire à Claude Lévi-Strauss, il n’avait probablement jamais ouvert un Coran de sa vie - à en juger par les stéréotypes islamophobes qui concluent ses Tristes Tropiques. Que voulez-vous, il avait avalé sans broncher la bouillie « Indo-Européenne » de son maître George Dumézil.