Logo

3) Une tribu d’Israël perdue au Brésil ?

Mythologiques Bibliques

[Sources][Video]

Bon, où en étais-je ? Ah oui, les SheRenTe, Sha-Ra-Na-Ta. Pour la petite histoire, qui n’est jamais très éloignée de la grande histoire, je suis tombé sur eux en lisant cette œuvre magistrale de Claude Lévi-Strauss. Je veux parler des Mythologiques, dans laquelle le géant de l’anthropologie a étudié les mythes de dizaines de cultures d’Amérique du Sud et du Nord, en montrant comment on pouvait passer d’un mythe à un autre au moyen de transformations élémentaires

Mais, parmi toutes ces cultures, les SheReNTe sortent un peu du lot – même si Claude Lévi-Strauss, lui, ne l’a pas vu. Mais que voulez-vous, beaucoup de prophètes et de justes ont souhaité voir ce que vous voyez et ne l'ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l'ont pas entendu. Car pour ma part, j’ai en effet tout de suite vu dans les traditions des SheReNTe des ressemblances troublantes avec la tradition juive, tant dans leurs mythes que dans leurs rituels. Et c’est ce qui m’a poussé à approfondir mon étude de leur culture en lisant la monographie qui leur fut consacrée par Curt Nimuendaju en 1942. Lecture qui a achevé de me convaincre d’une connexion entre SheReNTe et le peuple d’Israël de la Bible

Par où commencer ? Bon, tout d’abord, Curt Nimuendaju nous enseigne que les villages sont organisés en moitiés exogamiques patrilinéaires. En gros, les villages sont coupés en deux, et on se marie toujours dans l’autre moitié. Jamais dans sa moitié. Ça c’est assez courant dans le monde. Mais ça n’est pas tout. Chaque moitié est elle-même constituée de 3 clans – il y en a donc 6 au total. Ça aussi, c’est assez fréquent, ce découpage en 2x3. Dans Le Cru et le Cuit, P49, Claude Lévi-Strauss a fait ce très beau schéma sur l’organisation d’un village Bororo où on la retrouve. 2 fois 3 comme les deux triangles imbriqués l’un dans l’autre de l’étoile de David.

Six, comme, aussi, la moitié des 12 tribus d’Israël qui elles-aussi « s’échangeaient des femmes ». Rappelez-vous ce passage du livre des Juges, 21-18, après la guerre civile, durant laquelle la tribu de Benjamin est massacrée, et où le reste du peuple se lamente à l’idée de ne plus pouvoir échanger des femmes avec la tribu de Benjamin. C’est que, voyez-vous, le 12, c’est vraiment le nombre parfait pour faire des combinaisons. On peut le couper en deux, en TRois, en QuaTRe et en six – 4 diviseurs en tout. Aucun autre nombre ne fait mieux en termes de « ratio ». Voilà pourquoi on retrouve très souvent le 12 dès qu’il s’agit de trancher, par exemple chez les Romains, avec la Loi des 12 Tables. Vous vous rappelez, je vous en avais déjà parlé de cette idée de couper les Tribus en deux, trois et quatre dans ma vidéo sur Trancher.

Un autre point de rapprochement entre tradition juive et SheReNTe, c’est ce commandement de tuer les sorciers ou le très grand respect voué aux anciens que notait déjà Jean Baptiste Emmanuel Pohl dans son Voyage à l’intérieur du Brésil publié en 1832. Ou encore, le rôle des mascarades où un personnage couvert d’un déguisement fait d’herbe, effraie le village avec ses sonnailles et ses hochets – un peu comme le font les Cohen sous leurs Talit, leurs châles à franges… Mais on y reviendra dans un moment.

4) Le sexe à la Juive

Mais bon jusque-là, il n’y a rien de très spécifique aux juifs, je vous l’accorde. Là où ça commence à se corser, c’est quand on s’intéresse à ce qui touche au sexe. Car, comme vous allez le voir, le sexe chez les Sherente ressemble pas mal au sexe « à la Juive ».

Saignements menstruels et postnataux

[Sources][Video]

Commençons bien sûr par la menstruation, même si, là aussi, il n’y a rien de vraiment spécifique aux juifs. Si vous avez vu mes précédentes vidéos en particulier S4 et S5, vous savez déjà que la menstruation c’est probablement un de ces très rares universels anthropologiques. Les Sherente n’échappent pas à la « règle ». Et, si les premières règles ne font pas l’objet d’une cérémonie particulière, toute femme qui a ses règles est néanmoins considérée impure : elle et son mari doivent coucher séparément et ne pas se toucher.

En plus de ces interdits menstruels somme toute assez classiques, le saignement après l’accouchement est lui aussi soumis à des « règles » similaires. Par exemple, un homme ne doit pas toucher à sa hache pendant 3 jours après une naissance, et les nouveaux parents Sherente mangent uniquement des gâteaux de manioc blancs et boivent des jus lactés. Cette association entre les aliments blancs et la période post natale, on la retrouve de façon similaire dans le Lévitique, chapitre 12, qui précise que pour se purifier de son sang après une naissance, la femme doit apporter un agneau comme holocauste et une colombe ou tourterelle comme sacrifices – des animaux blancs là encore.

Enfin, pour terminer sur ce registre post-natal, sachez aussi qu’à l’âge de 3 ans, les petits SheReNTe se voient infliger une tonsure, laissant le haut du crâne à nu. Tout comme les garçons juifs portent dès leur plus jeune âge une kiPPa sur la tête, une calotte.

Mariages stériles, lévirat et cousinade (par la mère)

[Sources][Video]

Un autre élément qu’il est intéressant de noter, c’est que les SheReNTe connaissent aussi la pratique du Lévirat, qui consiste à ce qu’une veuve puisse exiger d’être remariée avec le frère ou le cousin du défunt. Tout en sachant que les SheReNTe se marient généralement du côté de la famille de leur mère – comme dans la Bible. Enfin, la stérilité n’est pas un motif de divorce chez les SheReNTe, tout comme la Bible est, elle aussi, pleine d’exemples de femmes stériles qui n’ont jamais été répudiées par leurs mari, à commencer par Sarah et Rachel.

Bon, là encore, toutes ces coutumes n’ont rien de spécifiquement juif, loin de là. Mais là où ça devient intéressant, c’est que les SheReNTe ont une cérémonie d’attribution du nom, de « nomination » spécifique pour les filles, comme chez les juifs. Mais surtout, ce sont les jeunes mâles qui sont isolés à l’adolescence – et non les jeunes filles, comme dans la plupart des cultures des peuples premiers. Ce rituel d’isolement des garçons dure plusieurs mois pendant lesquels on souffle dans des trompettes – des Shofar. Les SheReNTe adorent souffler dans des trompettes, ils les utilisent dans toutes leurs cérémonies, et même pour faire la guerre – comme les Enfants d’Israël dans la Bible, mais on y reviendra.

L’obsession de la pureté sexuelle …

[Sources][Video]

Et pour revenir sur cette cérémonie d’initiation des jeunes garçons, ce qui est particulièrement croustillant, c’est à quel point la tribu veille à ce qu’il n’y ait pas de sexe avant le mariage. Mariage qui est, bien sûr, organisé par les parents eux-mêmes. Cet état de fait n’a pas manqué d’étonner les ethnologues, dont bien sûr Curt Nimuendaju. Selon lui, les SheReNTe sont en effet la seule tribu qui insiste sur la virginité des jeunes garçons comme sur celle des jeunes filles avant le mariage – même si les jeunes filles, à la différence des garçons, doivent se promener nues tant qu’elles sont vierges (ce qui peut être source de conflits dans les familles en cas d’écart …).

Bon, bien sûr, si vous connaissez un petit peu le monde fermé des juifs ultra-orthodoxes, tout cela ne vous étonnera pas, contrairement à nos ethnologues Pharisiens du 19e siècle. Vous savez que chez les juifs orthodoxes, les jeunes garçons sont eux-aussi « enfermés » dans des internats d’étude jusqu’à leur mariage. Mariage là-encore arrangé par leurs parents. Ne pensez toutefois pas que les SheReNTe soient des parangons de vertu conjugale : l’adultère y existe comme partout, comme le viol. Ils sont suffisamment courants pour avoir été relevés par les ethnologues, et font l’objet de sanctions formelles.

… mais aussi la prostitution !

[Sources][Video]

Mais bon, ces obsédés de la pureté sexuelle que sont les SheReNTe sont aussi des obsédés du sexe, à tel point que la prostitution y est non seulement courante, elle y est organisée et parfaitement encadrée. Figurez-vous en effet qu’aucun groupe de chasse ne part sans ses deux « célibataires » attitrées. Une pour chaque moitié, bien sûr, sinon c’est pêché. Et ces jeunes filles ne font pas que la cuisine, comme vous pouvez l’imaginer : elles ont fait « volontairement » le choix de vivre cette vie dissolue à l’adolescence, plutôt que de se marier avec un garçon qui ne leur plait probablement pas. Les femmes mariées s’accommodent globalement de cet état de chose, tant qu’elles ne sont pas trop négligées.

Et ça mes enfants, c’est le premier GROS signe qu’il y a quelque chose de bizarre chez les SheReNTe. Ce mélange d’obsession pour la pureté sexuelle, particulièrement atypique chez les indiens du Brésil, couplé avec cette pratique de la prostitution. Car ceux qui connaissent un peu la Bible savent à quel point la prostitution y est rampante. Tous les enfants juifs du monde connaissent en effet ce qu’est une prostituée dès leur plus jeune âge. ZoNah, la prostitution, apparaît même dans la prière la plus importante, le Shema Israel, récité quotidiennement. Car le Dieu d’Israël est un Dieu Jaloux qui ne supporte pas que son peuple le trompe en se « prostituant » pour les dieux étrangers. Ce motif revient à de nombreuses reprises.

Moi, ça m’a toujours interpellé, cette obsession pour la prostitution dans la Bible. Je veux dire, bien sûr, pourquoi pas – c’est le plus vieux métier du monde, et je vous en reparlerai dans S8. Mais par exemple, la prostitution n’apparaît quasiment jamais dans le Coran ou le Nouveau Testament – et c’est aussi assez rare dans les autres grandes traditions. La Bible a quelque chose de particulier avec la prostitution – ce qui est d’ailleurs à l’origine de certains poncifs antisémites sur les juifs prostituant les femmes non juives…

C’est ça le Sexe « à la Juive » : une obsession institutionnalisée pour la « pureté sexuelle » couplée avec une obsession tout aussi institutionnalisée pour la « prostitution ». Et la cerise sur le gâteau, c’est cette manie qu’ont les femmes SheReNTe de vouloir attraper les couilles de leurs conjoints indélicats, mentionné à 2 reprises par Curt Nimuendaju – exactement comme en Deutéronome 25.11 qui condamne ces malotrues à avoir leurs mains coupées.

Pendant que j’y suis, cette institutionnalisation de la prostitution est d’ailleurs une réponse « originale » au dilemme mis en évidence par Chris Knight dans Blood Relations. Vous vous rappelez ? Ce fameux problème de la « poule et l’œuf » rencontré par les femelles pour s’assurer de la fidélité des males afin qu’ils contribuent aux ressources en viande leur permettant de combler les besoins du foyer, de la gestation à la maturité sexuelle, en passant par la lactation et tutti quanti … Et bien, les SheReNTe, comme les hébreux de la Bible ont trouvé une solution intéressante à ce problème, avec les « prostituées » de chasse. Leur statut « institutionnel » est d’une certaine façon l’« exception qui confirme la règle ». Ces femmes libres rappellent à leur façon aux maris leurs obligations de subvenir aux besoins de leurs conjointes avant tout.